L’état de la santé mentale des hommes en 2023 est complexe. Pris entre stéréotypes, changements progressifs et défis persistants, on en parle dans tous les médias, mais les ressources restent limitées. Afin de souligner le mois de la santé des hommes, nous nous sommes entretenus avec Mickaël Carlier, un pionnier dans le domaine de la masculinité positive au Québec et fondateur de l’organisme Des hommes qui changent. Et c’est sans tabou que nous avons abordé les multiples facettes du bien-être au masculin. 

La masculinité contemporaine

Ce n’est pas un secret: pendant des décennies, on a appris à l’homme à être fort, invulnérable. Les hommes n’étaient pas autorisés à exprimer les émotions qu’ils ressentaient ni à en prendre soin éventuellement. « Nos pères sont beaucoup comme ça, et nous sommes encore aussi beaucoup comme ça aujourd’hui de par nos constructions sociales. On nous a appris à tasser ses émotions au fond de soi, ne pas les montrer. On part de loin », explique Mickaël.

« Si j’ai un problème, il faut que j’avance quand même en me montrant fort. Il faudrait pas qu’on me traite de fille ou de moumoune. On nous a appris à rejeter la partie dite féminine en nous et ça met des balises qui ne nous permettent pas d’être pleinement nous-mêmes ».

D’ailleurs, selon des chiffres de l’Institut national de la statistique du Québec (INSPQ) datant d’octobre 2022, environ 10% des hommes seraient touchés par un niveau élevé de souffrance, voire même une détresse psychologique. Et ces derniers seraient trois fois plus susceptibles de mourir d’un suicide que les femmes, tout groupe d’âge confondu, selon Statistiques Canada. « Ce que j’entends des services de santé et des services communautaires, c’est que les hommes viennent loin dans le processus. Ils étirent beaucoup l’élastique et arrivent tard pour prendre soin d’eux et aller chercher du soutien », souligne Mickaël.

Heureusement, de plus en plus d’hommes acceptent de parler de leur santé mentale et de demander de l’aide. Mais il reste encore beaucoup de travail à faire.

Casser les idéaux toxiques: l’impact de la société sur la santé mentale des hommes

S’il est vrai que les hommes sont souvent élevés dans l’idée qu’ils doivent être inébranlables, la société et les modèles qui sont présentés aux garçons ont eux aussi une grande influence. La pression de répondre à l’image d’un héros, incarné par des figures telles que Bruce Willis, a longtemps été un idéal inaccessible pour de nombreux hommes. « Il y a quelque chose comme petit garçon, comme homme, qui vient renforcer l’idée qu’il faut être fort, vaillant, ne pas baisser, ne pas montrer ses émotions. On travaille fort pour être musclé, fort, etc. mais on n’atteint pas cet idéal, et en plus il ne nous ressemble pas vraiment », mentionne Mickaël. 

Ce dernier souligne aussi que cette fausse invulnérabilité empêche les hommes de reconnaître leurs propres signaux de détresse et d’obtenir de l’aide précoce. « On pousse les hommes à incarner des rôles irréalistes, insoutenables. Ces stéréotypes les amènent à négliger leur santé mentale, ce qui se manifeste par une plus grande précarité et fragilité émotionnelle » explique t-il. Heureusement, la culture est petit à petit en train de changer, mais globalement, une grande majorité de héros répond et nourrit encore ces clichés-là ».

Des hommes qui ont envie d’aller mieux

À travers son expérience avec Des hommes qui changent, Mickaël a fait la rencontre de plusieurs hommes qui souffrent, mais qui veulent aussi que les choses évoluent. « Dans les cercles de paroles auxquels j’ai participé, plusieurs sujets reviennent souvent: la colère et la frustration (liés à un manque d’outils et de compétences relationnelles et émotionnelles) et la solitude émotionnelle (ne pas parler à ses amis, aller voir des amis mais ne pas parler des « vraies » choses, de comment on “feel” vraiment) » raconte Mickaël. « On manque d’outil pour identifier les sentiments et les besoins qu’on a, et ça se reflète dans la relation parentale et dans la relation de couple. On a aussi le sentiment qu’il faut être fort devant nos amis et notre réseau, montrer qu’on a réussi et ne jamais dévoiler ses failles, même si c’est impossible ».

Ajoutant à ces sentiments d’incompétence et de solitude, une grande majorité de la société a aussi placé l’homme blanc dans un statut de persona non grata dans les dernières années, causant de la frustration et de la colère chez plusieurs d’entre eux. Mickaël se questionne. 

« On veut collectivement laisser plus de places aux femmes, aux personnes racisées ou appartenant à la communauté LGBTQIA+, et c’est totalement normal. Mais qu’est-ce qu’on fait des hommes blancs hétéro qui se sentent mis sur le banc, de côté? Comment avoir cette discussion sensible et inclusive pour que tout le monde trouve sa place, même les hommes? Comment on accompagne les hommes dans ce changement de société plutôt que d’en faire des hommes frustrés qui écoutent des masculinistes? Comment ne pas déraper, ne pas générer de la colère et des backlash violents et contre-productifs? »

« Tout le monde a un peu son bout de responsabilité à faire. On parle beaucoup de diversité et d’inclusion mais il y a un gros bout de la société qui risque de rester en arrière et de ne pas comprendre et ça, c’est contre productif. Il faut donner de la place à tout le monde, même si les hommes sont ceux qui ont pris toute la place jusqu’à présent ».

Quand les hommes ont besoin d’aide

Et si on veut aider un homme de son entourage qui vit des enjeux de santé mentale? « Écouter et accueillir, c’est le point de départ. Les hommes ne s’autorisent tellement pas à dire que ça ne va pas quand il y a des difficultés », indique Mickaël. « Il faut aussi que la femme soit prête à accueillir la fragilité de l’homme. Peut-être qu’il sera plus faible sur d’autres domaines liés au stéréotype tels que l’homme pourvoyeur, l’homme manuel, l’homme des rénos. Et il faut que l’homme pose un regard différent sur lui-même. Accepter que c’est normal, qu’on ne peut pas être parfait. Et par la suite le guider vers des ressources réelles. Mais le premier niveau reste l’accueil, l’écoute, l’empathie, la discussion. Il faut rebâtir les discussions entre les hommes et les femmes ». 

Ainsi, la santé mentale des hommes en 2023 est un parcours qui continue d’évoluer. Grâce aux efforts de personnes comme Mickaël Carlier et son organisation, Des hommes qui changent, la conversation s’ouvre, permettant aux hommes de s’exprimer et de chercher de l’aide sans honte. Chaque histoire partagée renforce l’élan vers une ère de transparence émotionnelle, où demander du soutien est un signe de force et non pas de faiblesse. Chez Familio, nous sommes dédiés à soutenir cette progression et à fournir les outils nécessaires pour une santé mentale épanouie. Ensemble, continuons d’avancer vers une ère où la santé mentale est une priorité pour tous, sans tabou.

Ressources et soutien disponibles

Des hommes qui changent

Site web: https://deshommes.ca/

À coeur d’homme

Site web: https://www.acoeurdhomme.com/

Téléphone: 418 660-7799, sans frais 1-877-660-7799

Hommes Québec

Site web: https://hommesquebec.ca/

Téléphone: 1-877-908-4545

Réseau Maisons Oxygène

Site web: https://maisonsoxygene.ca/

Téléphone: 438-504-4000

Regroupe pour la Valorisation de la Paternité

Site web: https://www.rvpaternite.org/

Regroument des Organismes pour Hommes de l’Île de Montréal (ROHIM)

Site web: https://www.rohim.net/

Téléphone: 438-397-0698

Centre de ressources pour hommes de Montréal

Site web: https://www.crhmontreal.ca/

Téléphone: 514-355-8300 / +1 833-673-2746 (OSE-CRHM)